Au departir de Bourges (
monseigneur)
Pris le chemin, dont tu fus l’enseigneur.
Je feis sejour six heures seulement
A Quantilly, en tel contentement,
Que ma pensée un seul jour de ma vie
De joye et d’heur ne fut onc tant ravie.
A l’arriver j’apperceu que tes gents
A mon recueil ne furent negligents :
Car tout soubdain resjouys de ma veue
Feirent que bien la table fut pourveue,
Ce qui pourtant ne me plaisoit le mieux,
Car je ne fus oncques fort curieux
De grands banquets, dont l’excessive cure
Aux bons esprits ignorance procure.
Bien est il vray que le Vin de ce creu
Eust donné vie à tout homme recreu,
Car sans mentir il est plein de delices :
Et m’est advis que je ne sors des lices
De Verité, si le Vin qu’as leans
J’ay preferé à celluy d’Orleans.
Doncques tes gents aises de ma venue
Un peu avant la nuict intervenue
De tes Jardins me feirent l’ouverture,
Passants tous ceux d’ancienne escripture :
Mesmes le lieu que les filles d’Atlas,
Par un Dragon, qui oncques n’en fut las,
Faisoient garder, et n’a mon oeil failly
De preferer ce lieu de Quantilly
Aux beaux jardins que Pomona la vierge
Sceut cultiver, ausquelz seule concierge
Elle habitoit, rendant les Dieux confus,
En leur faisant de son amour refus.
Possible n’est que les Fructiers je nombre
De Quantilly, et que j’arreste un nombre,
Des arbrisseaux, tant de ceux qui ont fruict,
Que ceux, sur qui le Rossignol fait bruit,
Qui Chesnes sont en grande compagnie,
Qui feront honte à ceux de Caonie,
Lors que tes hoirs en semence naive
Croistront ainsi que les rameaux d’Olive.
Ce que desja tes trois Nymphes de pris,
(Qui ont le sens meur, sage, et bien apris)
Peuvent monstrer, dont
Jaqueline l’une
Passant en tout la blancheur de la Lune,
De
son Guichard plus beau qu’il en puisse estre
A fait en toy ton enfance renaistre.
Les autres deux de naifve doulceur
Jehanne, et
Marie, ainsi comme
leur Seur
Te produiront plusieurs enfans et filles,
Pour demonstrer qu’elles ne sont steriles :
Et pour donner plaisir à tes vieux ans,
De tout chagrin, et de tristesse exempts.
Et bien souvent qu’à Quantilly seras
Pres des trois Seurs tu te reposeras.
Dont la premiere à la voix argentine
Resonnera plus doulx qu’une buccine,
Pour te donner plaisir et passetemps.
Voyant ce lieu, qui feit mes yeux contents,
Il me souvint de ta magnificence,
Que ne mettray jamais en oubliance :
Et pour autant que je t’avoys fait veu
De publier l’escript de
ton nepveu,
Je n’ay voulu l’exposer en lumiere
Sans adjouster ceste epistre premiere,
Tant pour monstrer l’honneur que je doy,
Que pour autant que clairement je voy
L’utilité et proffit de cest oeuvre,
Où
ton nepveu evidemment descueuvre
L’heur des Pays de la Grece, et Citez,
En quoy seront les Lecteurs incitez
De confesser que c’est une grand chose,
D’utilité, et grand proffit enclose.
A tant je pry au supreme Recteur
Que de sa grace il te soit donateur.